Parfois la vaisselle débordant l’évier, les vitres mouchetées de calcaire et de chiures d’insectes, le plan de travail de la cuisine encore parsemé de farine, parfois ces tâches qui attendent, me sont bouées de secours. Je sais que je vais pouvoir faire la vaisselle, nettoyer la cuisine et les vitres de la grande pièce à vivre. Je sais que le désordre, la saleté, brièvement m’invitent à agir. Que l’action va me hisser. Je sais que les mains dans l’eau ou le vinaigre blanc, le mouvement des bras, l’agencement de mon corps à l’apparition de la lumière par la fenêtre, à l’apparition d’un ordre qui apaisera le regard, m’apaiseront. Je sais qu’en moi souvent l’action sauve la vie.
Le dictionnaire nous rappelle qu’une action (nom féminin) se définit comme un fait ou une faculté d’agir, de manifester sa volonté, en accomplissant quelque chose. En choisissant d’écrire le quotidien de huit femmes, plongées dans l’action à toute heure du jour, Carol Vanni nous permet d’entrer dans des parcours de vie différents dont les voix résonnent en écho. Elles sont maraîchère, professeur, infirmière, auxiliaire de vie… mères aussi, militantes parfois, et c’est dans cet « accomplissement de quelque chose » qu’elles s’accordent à vivre.
Pour écrire au plus près de leurs réalités, l’autrice a passé, pour chaque portrait, plusieurs jours avec chacune d’entre elles à les observer, à vivre avec et comme elles, à s’interroger aussi. Plongées ou submergées dans leur quotidien, ces femmes trouvent une forme de réconfort, d’apaisement dans l’action.
En contrepoint quasi musical à ces portraits, l’autrice déploie un récit à la deuxième personne, celui d’une traversée en forme de road movie sous la pluie. Fuite ou retrouvaille, elle traverse le doute en même temps que la route ; le livre porte en lui ce double récit.
À l’heure où les femmes d’action s’oublient, Carol Vanni rappelle leur force et leur détermination à toujours rester debout. Livre miroir au texte Le jardin des hommes. Entretiens sur la colère, déjà accompagné des dessins d’Edmond Baudoin, Ode aux femmes d’action se joue des injonctions et des lieux communs pour livrer un récit au féminin pluriel.